Dans une démocratie aussi fragilisée comme la nôtre, peut-on gérer le pays avec les mêmes harangues qui le renvoient toujours et certainement à la case départ ? Et compte tenu qu’aucun suivi efficace n’est retenu voire requis, les chapitres des dossiers sont clôturés (enquête sur la surfacturation de kits scolaires, l’affaire-Oxfam…)
par Me Elco Saint-Amand
Mercredi 7 mars 2018 ((rezonodwes.com))-Comme disait le vieux Chinois anonyme, qui habitait la rue Montalais prolongée parlant de notre dimension épouvantable d’existence : « Si nous voulons qu’Haïti avance d’un cran, il faut changer de discours, il faut copier sur l’élan des autres nations en lieu et place de piétiner notre misère sur notre passé de peuple esclave».
Cette politique de slogans vides et creux, qui ne parle de changement des conditions d’existence du peuple, n’a jamais osé le sortir de son archaïsme moderne. Ce qui nous tient dans une répétition des faits non résolus de l’histoire.
Quand le discours politique se veut être l’esprit d’un homme
Si l’on remontait les cours de l’histoire et y fait ressortir des discours de nos hommes au pouvoir, l’on comprendrait les réflexions sur les violations politiques qui nous ont amenés à ne jamais prendre conscience de l’existence fréquente d’un décalage entre la parole et les actes ou entre le dire et le faire.
De « Tim tim bwa sèch » au « Nèg bannann », les contenus bourrés de slogans ne changent pas et les résultats qui enfoncent néanmoins dans l’oubli le rêve de la masse défavorisée, tout en restant et demeurant ce qu’ils sont
depuis la chute de la dictature, en février 1986, continuent de primer : Un ensemble de promesses qui n’ont pas vu l’aurore.
Quand l’échec politique cherche des raccourcis
Le gouvernement Moise-Lafontant a subi, dans moins d’un mois, trois échecs, pourtant il continue de faire mine de rien:
1) Avec la publication dans Le Moniteur de la résolution « chanpwèl » du Sénat choisissant de canaliser le rapport sur le gaspillage de Fonds de PétroCaribe à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), l’équipe au pouvoir a montré sa pleine volonté de vouloir faire obstruction à un éventuel procès et protéger ainsi provisoirement les alliés des pouvoirs Préval, Privert, PHTK et autres.
Ainsi, protège-t-il des alliés de tout bord dans un opéra de corruption.
2) Le rappel de l’ambassadeur Dénis Régis de la Mission d’Haïti à l’ONU par le gouvernement de la République est tout simplement un faux pas diplomatique, compte tenu du rôle prépondérant qu’avait joué la représentante (Sandra Honoré) du secrétaire général des Nations Unies en Haïti, lors des élections truquées de Jovenel Moïse. Que de services l’ONU a rendus à cette équipe venue aujourd’hui lui faire la leçon !
En effet, l’assimilation à une forme d’ingérence par le pouvoir de la prise de position ouverte de la Mission d’appui à la Justice, au profit d’un procès équitable, se résume aux lacunes perpétrées et entretenues par cette équipe quand on sait que depuis plus d’une quinzaine d’années Haïti est sous protectorat onusien. De quelle souveraineté parle-t-on, messieurs ?
3) L’Arrêté présidentiel exigeant que toutes les transactions commerciales effectuées sur l’ étendue du territoire doivent dorénavant se faire en gourde.
Sur ce dernier point, selon plusieurs observateurs, le gouvernement Moïse-Lafontant a mis la charrue devant les bœufs. Une décision qui démontre clairement que la politique menée par la bande au Palais est inopportune, qu’elle soit pour le moins inconcevable, et même ce n’est pas là une vue d’État qui gagne son pari.
Sans l’ombre d’un doute, nous sommes en faveur des transactions commerciales effectuées en gourde— la monnaie nationale — mais ils faut qu’il y ait préalablement des mises en place, c’est à dire la stabilisation de la gourde par rapport à la montée du dollar américain. Autrement dit, produire et exporter.
Avec un taux d’échange de plus de 67 gourdes pour $1 dollar américain, le marché des transactions commerciales risquerait d’augmenter progressivement le déficit davantage que d’habitude. Est ce une façon de plus de justifier une attitude de pouvoir compétent et plus apte dans le «dodo meya » ?
Sans doute. Croit-on donc que ces hommes professeraient de tels scrupules s’ils étaient inutiles après l’achat en US de camions et d’engins lourds par le biais d’un secteur privé corrompu pour la maudite somme de USD 123 000 millions $ ?
Le vrai dans tout cela, c’est le silence de la société civile qui accepte des bêtises du gouvernement, ce qu’elle n‘aurait jamais toléré chez des partis politiques traditionnels. C’est qu’elle (la société civile) profite des déficiences des institutions républicaines.
Peut-on justifier son incompétence politique par une arrogance démesurée ?
Le Premier ministre Jack Guy Lafontant se montre de plus en plus arrogant. On dirait que c’est maintenant qu’il s’est rendu compte qu’il est un chef, un politicien. Comme disait Edgar Faure, dans son discours du 23 février 1955 : « Le véritable choix n’est pas le choix entre les idéaux. C’est le choix entre les moyens : il est aussi angoissant que nécessaire. Le mauvais choix des moyens est le seul choix contre l’idéal. Choisir les moyens, n’est-ce pas exactement gouverner? »
Monsieur le Premier ministre, avez-vous les moyens de votre idéal, si idéal vous en cultivez ? Une façon pour nous autres de comprendre l’arrogance affichée depuis quelque temps lors de la tenue des conférences de presse par le Premier ministre Jack Guy Lafontant.
A-t-il les moyens de sa politique ?
Pourquoi faire flèche de tout bois pour justifier l’incohérence manifeste d’un gouvernement qui ne marrie pas les faits à la réalité géopolitique ? Il faut interpréter cette caractéristique adoptée par le chef du gouvernement à une sorte de violence d’échec. Ne pouvant pas délivrer les promesses de campagne de Jovenel Moïse, il a mis son agressivité au service de son mentor président. Son chef de slogan !
Ce faisant, il renie lamentablement sa politique générale énoncée au Parlement lors de la séance de ratification en dépit qu’il ne répond pas à tous les critères pour assumer la fonction.
Le silence des partis politiques est monnayé
Les leaders politiques vivent sur le dos du peuple, dirions-nous… L’Ingénieur Mathias Pierre n’ignore pas les tournants et aboutissants de l’environnement politique, en dépit des dispositions de la loi sur le financement des partis politiques. Il a su acheter et vendre la morale de ses ambitions d’ancien candidat à la présidence.
Les partis politiques existent-ils encore ? Ironiquement, l’opposition mort-née. En finançant les partis politiques, Jovenel Moïse a réduit en cendre la gauche haïtienne. Il se meut comme un poisson dans l’eau et semble chanter les funérailles de cette soi-disant gauche haïtienne.
Depuis plus d’un an, s’inspirant de l’exemple d’échec non punitif de Jean-Bertrand Aristide, le président de la République a pris de la force dans ses discours creux. Pourquoi ? Sans doute pour donner une nouvelle chance à son mentor quand on voyait à la télé son attitude d’acquiescement au moment du passage du char carnavalesque de Sweet Micky au Champ de Mars. Content et joyeux, le couple présidentiel se sentait bandé de plaisir devant toutes ces évidences de la bêtise humaine.
Tout est pourri !
Un comportement qui a donné maladroitement raison au président Donald Trump traitant Haïti de « pays de merde». Et, le silence du gouvernement face aux propos racistes du président américain… ils se taisent !
Nous avons pu comprendre que l’échec prématuré de cette équipe ne donne guère envie de plaisanter, car l’avenir de notre pays en dépend. Et que de temps perdu auparavant !
Haïti se retrouve aujourd’hui à un carrefour de prise de conscience face à la montée mirobolante des structures scientifiques et techniques de la République dominicaine. L’argent du fonds de PetroCaribe a servi à la construction de véritables infrastructures chez le voisin et à l’inverse de chez nous, il a conduit à l’enrichissement des différents dirigeants maîtres et seigneurs d’ Haïti, sans scrupules.
Quel paradoxe d’intelligence pour l’extrême droite au pouvoir ?
Elco Saint Amand, av.
texte extrait de Haïti-Observateur, édition du 7 au mars 2018