Au soir du 31 janvier 1986, Haïti était en état de siège et les forces armées (FAd’H) placées en condition « D », à la suite du départ raté de Jean-Claude Duvalier pour l’exil, annoncé la veille par la presse étrangère… et le Sénat était aboli depuis 1964. Paradoxalement, 32 ans plus tard, c’est ce Sénat inexistant qui n’a pas mené la lutte du 7 février 1986, qui a toutes les peines du monde à prouver aujourd’hui sa raison d’être. Son utilité ! Il se retrouve mercredi soir au carrefour d’une grande décision. Le rejet ou l’adoption du rapport Petro Caribe. « Nous avons un public qui nous regarde », prévient déjà le Sénateur du Sud, Jean-Marie Salomon. Mais souhaiterions-nous pour, plus que jamais, on ne fasse plus allusion à Haïti comme « pays de merde » ?
Port-au-Prince, mercredi 31 janvier 2018 ((rezonodwes.com)).–«On n’attend pas l’avenir comme on attend un train. L’avenir on le fait». Ce qui devait être considéré comme le premier débat du début de la lutte contre la corruption et la fin de l’impunité en Haïti, s’est ouvert mercredi soir à Port-au-Prince, au Sénat de la République. Ces Sénateurs, tous des citoyens du pays le plus pauvre de la Caraïbes, avec une capitale plongée dans l’insalubrité, vont chercher à comprendre ou tenter d’expliquer l’effritement de plus de $3 milliards de fonds de Petro Caribe.
« Nous perdons notre temps à mettre des virgules là où un point final devrait être mis« , a lancé le sénateur Salomon, lors de sa première intervention à la séance spéciale sur l’analyse du rapport de Petro Caribe. Il a révélé que des collègues n’étant partisans d’aucun débat pour faire jaillir « lumière et vérité« , sont venues avec « des idées préconçues pour faire rejeter le rapport« .
Mais une grande question se pose, martèle le parlementaire. Le constat de la dilapidation des milliards de gourdes de fonds Petro Caribe, « est évident« , souligne-t-il, mais par QUI, s’interroge-t-il. Néanmoins, Salomon annonce dès maintenant que « la montagne n’accouche pas d’une souris ». Serait-ce une façon, pour lui de démontrer l’utilité des Sénateurs 32 ans après le 7 février 1986, date à laquelle le peuple haïtien espérait des changements en profondeur dans notre système de gouvernance.
Reporté depuis fin novembre 2017, pour étude approfondie, par des Sénateurs, le rapport Petro Caribe a été l’objet direct de critiques de la part du président de la République de passage à Paris. Un fait certain qui porterait le sénateur Salomon à déclarer sans ambages, en lever de rideau de séance plénière en assemblée des sénateurs « que la séance ne doit pas être un faux semblant« .
Pour le sénateur Evalière Beauplan, après plus deux mois de suspension d’analyse du rapport, « nous avons aujourd’hui la capacité et l’intellectualisme pour défendre ce texte face au Sénat réclamant son approfondissement ». Le Sénateur du Nord’Ouest, néanmoins, prêt à défendre sa thèse, n’occupe plus le poste de la commission éthique au Grand Corps.
Les haitiens, à la tombée de la nuit, n’espèrent pas être des spectateurs, selon Salomon, « d’une vaste plaisanterie pour faire perdurer des manœuvres dilatoires, pour finalement, classer le dossier Petro Caribe dans les tiroirs de l’oubli« . Ce qui viendrait donner raison à l’ex-président Michel Martelly déclarant sur Scoop FM, mercredi après-midi, que « sauf une agence d’audit international pourrait statuer sur les dépenses de fonds de Petro Caribe« , une façon pour l’auteur des chansons grivoises, selon ses propres termes utilisés, de conclure « nou tout se vòlè« .
Et Haïti, avec son système judiciaire, ses hommes au Palais national, ses parlementaires avises de pots-de-vins, ne franchira pas d’un seul pouce le seuil de la lutte contre la corruption et la fin de l’impunité. Toutefois, attendons voir le dénouement du jour pour comprendre ce que nous avons toujours compris… !