Jovenel Moïse et sa famille politique ont de bonnes raisons de vouloir rester au pouvoir jusqu’au 7 février 2022, afin de mettre en place les structures qui leur permettront de rester au Palais national durant les prochaines cinquante années, comme l’avait bien laissé entendre l’ex-Premier ministre Jack Guy Lafontant.
New York, jeudi 31 décembre 2020 ((rezonodwes.com))–Quelle différence cela fait, entre le temps, deux ans plus tôt, quand se déroulaient les mobilisations générales ayant marqué le régime Tèt Kale dirigé par Jovenel Moïse, et les événements qui dominent la présente actualité. Alors, le chef de l’État a su renverser la vapeur, à coups de millions distribués à des mercenaires, nationaux et internationaux. Cependant, à la fin de 2020, la situation est toute autre. Il semble que les forces politiques et diplomatiques se liguent contre lui, réunissant toutes les conditions pour que son départ du Pa -lais national coïncide avec la date constitutionnelle de la fin de son mandat. Cela explique la frénésie des initiatives anti-Moïse qui fusent de toutes parts.
Dans les discours et les interventions, publiques et privées, entendus en Haïti, on ne parle plus que de la date du 7 février 2021 comme étant celle de la sortie définitive du président haïtien de la résidence officielle du chef de l’État. D’ailleurs, dans les milieux oppositionnels, qui ne cessent de se multiplier, et qui s’expriment avec plus d’assurance par rapport à son expulsion du Palais national, l’unanimité se fait de plus en plus sur sa fuite éventuelle, même avant cette date. Au fait, à la capitale haïtienne, depuis déjà plus d’une semaine, les conversations portent sur le « départ pour l’exil » de la famille présidentielle, ou encore sur des « négociations en cours » également pour assurer l’évacuation, sans encombre, vers l’étranger, des hommes et femmes du pouvoir, con vaincus que leurs actes, dans l’administration publiques, font d’eux des cibles de poursuites judiciaires. Voilà pourquoi sont largement accréditées les rumeurs faisant état d’un véritable branle-bas au sein de l’Exécutif.
En effet, quand on se souvient des massacres et assassinats d’État, dont les auteurs et commanditaires courent encore; ou bien des crimes financiers à répétition et la pratique de la corruption dont se font leur apanage les régimes PHTKistes, on peut parier qu’il y aura appel à demande de comptes, une fois les pouvoirs judiciaires rétablis dans leurs attributions légitimes. Dans ces perspectives de fin de règne se précipitant, le peuple haïtien, qui demande justice à cor et à cri, commence, d’ores et déjà, à se frotter les mains de satisfaction à l’idée que les criminels de toutes catégories qui, au cours des dix dernières années, font la pluie et le beau temps, au sein de l’administration publique, vont, enfin, cesser d’avoir le beur re et l’argent du beurre.
Certes, il sera alors possible aux vrais propriétaires des richesses publiques détournées ou volées de les récupérer. Ce sera la fin de l’impunité assurée par un pouvoir prédateur et kleptomane. On comprend bien maintenant pour quoi la peur a changé de camp et les raisons qui font que les hommes du pouvoir ont eu recours à toutes sortes de crimes pour maintenir le statu quo. Histoire d’assurer la pérennité des biens mal acquis et la jouissance de l’impuni-té en permanence.
Mais Jovenel Moïse et sa famille politique ont de bonnes raisons de vouloir rester au pouvoir jusqu’au 7 février 2022, afin de mettre en place les structures qui leur permettront de rester au Palais national durant les prochaines cinquante années, comme l’avait bien laissé entendre l’ex-Premier ministre Jack Guy Lafontant. Ils pensent qu’ -après un demi-siècle au pouvoir, les revendications concernant le pillage du Fonds PetroCaribe et d’autres crimes financiers imputés à M. Moïse et aux barons du PHTK, ainsi que les crimes de sang dont ils sont accusés auront vécu et les réclamations « se seront tues et enterrées ».
Si le président haïtien et l’équipe PHTKiste ont passé quelque dix ans à jouir du fruit de leur rapine et de l’impunité de leurs forfaits, il a fallu seulement quelques semaines pour changer la donne politique et diplomatique. Car ceux qui les toléraient hier deviennent leurs accusateurs d’aujourd’hui, demandant justice pour les victimes, notamment citoyens et citoyennes assassinés, maltraité (e) s et violé (e) s; ainsi que pour le peuple haïtien ayant besoin des ressources escamotés pour lancer les projets de développe-ment qui leur manquent si cruellement.
De toute évidence, Jovenel Moïse et ses alliés n’ignorent pas que le vent a changé et que les circonstances vont militer en faveur de toutes les catégories sociales trop longtemps rendues prisonnières de la misère, de la pauvreté et du chômage. Certes, les dernières prises de position de la communauté internationale ont vraiment pour effet d’enlever le sommeil à l’occupant du Palais national et aux proches collaborateurs du président. Le CORE Group a dénoncé avec force, surtout les massacres d’État et les dérives du pouvoir, notamment, les décrets en série de ce dernier, dont certains visent à mettre en marche un processus référendaire autour de la promulgation unilatérale d’une nouvelle constitution. Aussi bien que la création d’un organisme d’intelligence ayant pour attributions exclusives la répression de la dissidence et la persécution des opposants.
D’autre part, le Département d’État, via le ministère du Trésor américain, s’en est pris au régime PHTKiste qu’il accuse d’assassinats de citoyens sans défense et de perpétration de massacres dans les bidonvilles, notamment à La Saline, au Bel-Air et dans d’autres quartiers vulnérables. Le communiqué a aussi dénoncé et cité nommément des officiels du gouvernement, tels que Fednel Monchéry et Joseph Pierre-Richard Duplan, respectivement directeur départemental de l’Ouest et secrétaire d’État au Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, au moment où ont été perpétrés ces infractions. De même que Jimmy Chérizier, alias Barbecue, ancien policier expulsé de l’institution pour crimes, est mis à l’index, dans le même document, comme étant celui qui a mené ces opérations criminelles.
Moins d’une semaine plus tard, l’ ambassade américaine en Haïti, qui s’ affichait trop longtemps en tant qu’apologiste de Jovenel Moïse, a émis un mes sage sur son compte Facebook dans lequel il est signalé que, avec ce der nier aux commandes, Haïti sombre dans la dictature. Presqu’en même, le secrétaire d’État adjoint pour les Affaires latino-américaines, Michael G. Kozak, a fait des dénonciations dans le même sens.
D’autre part, le 22 décembre 2020, trois puissants parlementaire américains ont émis un communiqué dans le -quel ils ont lancé des critiques cinglantes contre Jovenel Moïse et son régime. Les congressistes Andy Levin (MI), membre de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Gregory Meeks (NY), le nouveau président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, et Albio Sires (NJ), président de la sous-Commission de l’Hémisphère occidental, de la Sécurité civile et du Commerce, ont publié une déclaration sur les récents événements survenus en Haïti.
Voici, en effet, les paroles qui sont annonciatrices d’un changement de la politique américaine envers Haïti et qui donnent la frousse aux tenants du pou-voir :
« Lorsque le 117e Congrès se réunira, le soutien aux acteurs démocratiques en Haïti sera une préoccupation majeure pour ce comité. Nous agirons de manière urgente, de concert avec le nouveau gouvernement Biden, en vue de forger une politique américaine qui priorise les droits et les aspirations du peuple haïtien, et qui appuie une transition crédible, menée par les Haïtiens, vers un retour à l’ordre démocratique. Nous inciterons les institutions et les alliés internationaux à coordonner une stratégie multilatérale pour faire face à la crise haïtienne actuelle; et nous nous engagerons à poursuivre la responsabilisation des fonctionnaires haïtiens qui ont commis des violations des droits de l’homme et des actes de corruption.
En tant que membres de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, nous considérons qu’il est de notre responsabilité de suivre les événements en Haïti et de travailler en étroite collaboration avec les organisations de la société civile haïtienne et les citoyens de bonne volonté qui recherchent la paix et la démocratie dans leur pays. Nous assurons au peuple haïtien que, dans la lutte pour juguler les crises aux quelles nous sommes confrontés dans notre propre pays, nous n’oublierons pas nos voisins, ni notre engage-ment à protéger leurs droits de l’homme ».
Pour toutes ces raisons, le vide politique se fait autour de Jovenel Moïse. Ce qui confirme la prédiction énoncée d’avance : La fin arrive pour Jovenel Moïse et PHTK.
Editorial de Haïti-Observateur
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