Journal français « Libération » : La crise que traverse Haïti s’est encore aggravée ces dernières semaines, avec le refus du président contesté, Jovenel Moïse, de quitter le pouvoir, et sa volonté d’imposer un référendum constitutionnel (pourtant interdit par la Constitution) et des élections. La réunion du Conseil de sécurité des Nations unies de lundi a montré qu’il jouissait toujours du soutien international.
Dimanche 28 février 221 ((rezonodwes.com))–Au cours de cette réunion, la France, par la voix de sa représentante, Nathalie Broadhurst, s’est montrée la plus critique. Elle a rappelé sa «grande préoccupation» concernant «la dégradation de la situation». Et de poser «sans détour» la question : «Comment est-il possible aujourd’hui que Jimmy Cherizier soit toujours en liberté ?» De fait, que cet ancien policier, responsable du massacre de 71 personnes, en novembre 2018 à La Saline, quartier populaire de Port-au-Prince, n’ait pas été arrêté constitue l’un des signes les plus révoltants de l’impunité.
Pantin autoritaire
Le déni constitue la contrepartie de cette magie. On fait de Jovenel Moïse et de l’opposition, peu représentative et embourbée dans ses contradictions, la démonstration négative de toute alternative. Mais on ignore les voix, l’expertise et les aspirations des mouvements de femmes et de paysans, des organisations sociales et des syndicats. Et, à tout prendre, on préfère encore l’impasse actuelle à un changement, qui risque d’emporter avec lui la subordination d’Haïti aux acteurs internationaux.
Sous la pression des acteurs de solidarité internationale, notamment avec la campagne Stop silence Haïti, la France tente de se montrer exigeante quant à l’Etat de droit. Mais le refus de prendre en compte la demande de la société civile haïtienne d’une transition de rupture, revient à soutenir Jovenel Moïse – et à neutraliser toute exigence. «Il faut regarder la situation avec lucidité : la crédibilité des institutions est profondément ébranlée aujourd’hui en Haïti», affirmait, à l’ONU, Nathalie Broadhurst.
Certes, mais n’en va-t-il pas de même de la crédibilité des institutions internationales, qui ont largement contribué à entraîner le pays dans sa chute ? L’ONU s’apprête à financer – à hauteur de 86 millions d’euros –, à accompagner et à soutenir une farce électorale, orchestrée par un pantin autoritaire, sur le dos des Haïtiens, pour, après, rejeter sur eux la responsabilité des crises et de l’instabilité.
Malgré l’échec de cette politique, malgré la détérioration sécuritaire, sociale et démocratique du pays, la France, à l’instar des autres Etats dits amis d’Haïti, appuie Jovenel Moïse. Pour le pire, et seulement pour le pire.
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