Le professeur Jean William (Bill) Pape, cofondateur des centres GHESKIO en Haïti et expert mondialement reconnu en santé publique, a livré un discours poignant à la tribune des Nations Unies ce 20 novembre. Avec émotion et précision, il a détaillé la tragédie que traverse son pays, appelant la communauté internationale à une intervention urgente pour prévenir un effondrement humanitaire total.
Le professeur Pape n’est pas un étranger aux défis. Formé comme spécialiste des maladies infectieuses aux États-Unis, il a choisi de revenir en Haïti en 1979, un pays alors dévasté par des crises sanitaires chroniques. À travers des initiatives telles que la thérapie de réhydratation orale pour lutter contre la diarrhée infantile ou la création du GHESKIO, l’une des premières institutions au monde dédiées à la lutte contre le sida, son action a permis des avancées majeures.
« Nous avons réussi à réduire la mortalité infantile et à transformer des approches de santé mondiale, » a-t-il déclaré, soulignant notamment l’introduction du vaccin oral contre le choléra pendant l’épidémie de 2010, une première mondiale qui a changé les protocoles de l’OMS.
Cependant, malgré ces réussites, Haïti est désormais confrontée à une crise sans précédent, où l’insécurité, la violence et la pauvreté menacent d’anéantir des décennies de progrès.
Le tableau dressé par le professeur Pape est glaçant. Haïti est aujourd’hui marqué par :
-Une économie en récession depuis cinq ans.
-Plus de 800 000 déplacés internes et des niveaux de violence jamais atteints, incluant meurtres, viols et enlèvements.
-L’effondrement des infrastructures de santé : seulement 25 % des établissements de la capitale sont opérationnels.
Même le GHESKIO, pilier de la santé publique en Haïti, est en danger. « 70 % de notre personnel a quitté le pays, et nous recevons des lettres de démission presque chaque semaine, » a-t-il déploré. Les conséquences sont lourdes : 26 membres du personnel ont été kidnappés au cours des trois dernières années, dont deux récemment.
Son témoignage a également mis en lumière les histoires personnelles déchirantes derrière ces statistiques. Il a évoqué une jeune fille de 13 ans victime d’un viol collectif, une mère assassinée devant sa fille de 4 ans et des familles entières brisées par des violences inimaginables.
« Ce sont ces récits humains qui donnent un visage à l’enfer quotidien que vivent les Haïtiens, » a-t-il souligné avec gravité.
Face à cette situation, le professeur Pape a lancé un appel direct à la communauté internationale. Il a critiqué les limites de la mission dirigée par le Kenya, qui, selon lui, est sous-armée et dépassée par l’ampleur de la crise.
« C’est une tâche difficile pour tout Haïtien de demander l’envoi de troupes étrangères sur notre sol, mais il n’y a pas d’autre alternative, » a-t-il affirmé. Il a insisté sur le fait qu’une intervention plus vigoureuse était la seule option pour restaurer la sécurité, permettant ainsi aux Haïtiens de reconstruire leur pays.
Il a conclu son discours avec un avertissement lourd de sens : « Si rien n’est fait, l’alternative sera un génocide massif – quelque chose que vous seul avez le pouvoir d’empêcher. »
Le professeur Pape a consacré sa vie à améliorer la santé et le bien-être de son peuple. Aujourd’hui, il exhorte le monde à agir, non seulement pour préserver les acquis, mais aussi pour empêcher un désastre humanitaire.
Ce plaidoyer vibrant et désespéré ne peut être ignoré. Il en va de la survie d’un peuple et de l’avenir d’un pays dont l’histoire est intimement liée aux valeurs de liberté et de justice que le monde entier prétend défendre.
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